A quoi servent les playtests ?

Publié par GamabilisSiteAdmin le

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A quoi servent les playtests ?

Début juillet, le studio Gamabilis a lancé les premiers playtests de son serious game sur l’innovation : Challenger Deep. Les playtests sont une étape importante dans la conception d’un jeu à laquelle il faut être attentif et qui concerne une grande partie de l’équipe. En effet, chaque personne qui est intervenue dans la production souhaite pouvoir confronter son travail au public. Du marketing à la conception, en passant par la programmation et la R&D, des hypothèses ont été posées et c’est sur celles-ci que le jeu a été construit.

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L’heure de vérité

Les playtests permettent de sortir d’un cadre de travail privé, où les échanges sont restreints à un groupe. C’est la première publication – dans le sens où l’on rend public, accessible, quelque chose à ceux qui ne font pas partie du cercle initial de la création. Ce moment de partage, de communication, va permettre la rencontre entre ceux qui produisent et ceux qui reçoivent. Un serious game et son message s’adresse pour la première fois à des joueurs. Ce message est complexe et multiple. Tous les métiers du studio veulent ainsi vérifier si leur message passe, et comment il est reçu. Le jeu est-il trop dur ou trop facile ? Les joueurs comprennent-ils le thème du jeu ? Est-ce qu’ils aiment l’univers, les personnages, l’histoire ? Est-ce qu’il le jeu fonctionne techniquement ? Quels sont les bugs ?

Dans le cas d’un serious game, d’autres questions caractéristiques de ce média viennent s’ajouter à la liste. Le jeu a-t-il un impact sur les joueurs ? L’équilibre entre apprentissage et jeu est-il optimal ? Est-ce que le jeu répond aux attentes du client ? En effet, le schéma de communication d’un serious game est particulier car celui-ci s’adresse aux joueurs, mais également aux clients. Les “démo client” sont donc l’autre versant des playtests et se déroulent dans le même temps. Nous en avons déjà parlé précédemment, le contexte de production d’un serious game se définit en partie par les attentes du monde professionnel. Les commanditaires sont à la fois émetteurs et destinataires du message d’un serious game, leur position hybride dans le processus de production influence fortement le contenu.

Un bug, une solution

Ces différentes sessions de présentation du projet ont été riches en observations. Nous en présentons ici une partie. Un des éléments de préoccupation majeure est sans doute la viabilité technique du jeu et les playtests sont l’occasion de repérer tous les bugs qui n’avaient pas pu être identifiés par l’équipe de production, en espérant qu’ils soient le moins nombreux possible, et le moins “bloquant”. Il existe plusieurs types de problèmes techniques dans un jeu vidéo (bug bloquant, problème d’UX, bug d’affichage, etc.) et ils n’ont pas tous la même importance, la même symbolique pour les concepteurs, ni le même impact sur l’expérience des joueurs. Le bug bloquant est un bug lors duquel le programme ne se déroule pas comme prévu et le joueur est bloqué. Exemple : une porte ne s’ouvre pas, le personnage est coincé, l’objet ne peut être ramasser, etc. Un problème d’UX (user experience) se traduit par un souci de compréhension entre le joueur et l’épreuve proposée par le game designer. Le joueur ne comprend pas où il doit aller ou ce qu’il doit faire par exemple. Enfin les bugs d’affichage sont également un problème lié au programme mais qui n’empêchent pas la partie d’être jouée : on voit à travers un mur, une texture n’apparaît pas, un objet flotte dans l’air.

Il est intéressant d’analyser la différence de perception de ces bugs entre l’équipe de production et les joueurs. Un jeu vidéo est immersif à la fois parce qu’il est interactif, mais également par l’univers qu’il propose. Et la qualité de cet univers dépend en partie de la fluidité et du bon fonctionnement du programme informatique qui le constitue. C’est pour cela que les concepteurs redoutent les bugs. Pourtant, ils ne sont pas perçus de la même manière par les joueurs. On peut par exemple parler des bugs exploitables, les glitch, qui permettent aux joueurs de “tricher”. Vécus comme un échec par les programmeurs, ils sont de l’autre côté une opportunité et donc valorisés. Lors des playtests, plusieurs bugs ont eu lieu, et les réaction des joueurs et des concepteurs qui étaient dans la même pièce furent différentes. Par exemple, on a pu remarquer que les testeurs ont bien accepté les bugs d’affichage, alors que les concepteurs y sont très sensibles. À l’inverse, les problèmes d’UX ont soulevé plus d’interrogations et de remarques de la part des joueurs.

Comprendre pour améliorer

En conclusion de ces observations, on comprend alors quelles sont les composantes qui retiennent l’attention de chacun des “groupes” qui interagissent avec le jeu. Si l’équipe technique est plutôt tournée vers la “performance informatique”, le public est lui sensible au récit. Les retours positifs sur l’univers de Challenger Deep sont les plus nombreux. Comme évoqué au début de l’article, un jeu vidéo est une situation de communication, pour que celle-ci ait lieu, il est nécessaire que le contrat de lecture soit accepté par le récepteur. Le contrat de lecture, c’est la confiance, la projection immédiate du joueur dans l’histoire qui lui est racontée. Il l’accepte et il y croit. Tous les testeurs étaient impatients de connaître la suite de l’aventure. Sans cette croyance, le jeu ne “prend” pas. Dans le cas particulier du jeu vidéo, un autre contrat est passé avec le joueur, celui du contrat de jeu : les joueurs, même face à un jeu hyper réaliste, ne sont pas dans l’illusion, ils savent qu’ils sont face à un dispositif numérique qui peut avoir ses défaillances. Car ce qui a pu être observé durant ces playtests, c’est que le public accepte bien plus facilement un bug qu’une incohérence narrative. La rupture dans le récit est un frein plus important à l’adhésion du joueur. Cette question de la narration est à interroger de manière plus fine lors de nos prochains playtests à venir courant octobre.

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